Rapport sur les travaux de la commission en 2009

La Commission Royale de Toponymie et Dialectologie accomplit sa mission scientifique sous le haut patronage de l’Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique et de la Koninklijke Vlaamse Academie van België voor Wetenschappen en Kunsten. La Commission a comme objectif scientifique l’étude de l’onomastique (toponymie et anthroponymie) et de la dialectologie, particulièrement en Belgique, tant dans le domaine roman que germanique, et la publication de travaux (Bulletins, Mémoires, Tirés à part) relatifs à ces disciplines. Elle assume en outre, une mission consultative; les pouvoirs publics peuvent toujours faire appel à ses avis scientifiques et ne manquent pas de le faire.

Réunions statutaires

Les réunions statutaires ont eu lieu les 26 janvier, 25 mai et 26 octobre 2009 dans les locaux du Palais des Académies à Bruxel­les (rue Ducale 1). Il y a eu six réunions de section (dans chacune des deux sections les 26 janvier, 25 mai et 26 octobre 2009), une séance plénière (le 26 janvier) et deux réunions (communes) du bureau les 25 mai et 26 octobre 2007.

Réunion extraordinaire

La section flamande s’est réunie en une séance extraordinaire le 18 mars 2009, qui a également eu lieu dans les locaux du Palais des Académies à Bruxel­les.

Communications faites à la séance plénière

Bernard Roobaert: La langue des différents intervenants du Doyenné de Hal à la fin du XVIIIe siècle.

La visitation décanale de 1775 pour le Doyenné de Hal, ordonnée par le nouvel archevêque de Cambrai Fleury, constitue un document exceptionnel à plusieurs points de vue. Le doyen Nicolas Walravens se concentre sur la personnalité de l’ensemble du clergé qui tombe sous son autorité et en brosse des portraits humains, où le meilleur côtoie le pire. Il fournit également de nombreuses informations sur la situation des langues de ce doyenné qui chevauchait la frontière linguistique. Entre un bloc uniformément flamand au nord et un bloc aussi uni au sud, où l’on parle « wallon » (picard), s’étend une zone mixte de villages dont la partie nord est flamande (Marcq, Hoves, Petit-Enghien, Bierghes, Saintes). La ville d’Enghien présente une frontière socio-économique : la grande majorité de la population parle le flamand, une mince couche supérieure de bourgeoisie et de noblesse, le français. Ce relevé constitue le dernier témoignage d’un état qui remonte au XIIIe siècle et qui se modifiera rapidement après la Révolution française, avec une romanisation généralisée d’Enghien et des villages auparavant mixtes. Cette visitation constitue ainsi un témoignage objectif rare et précieux de l’état des langues dans cette région-frontière à la fin du XVIIIe siècle.

Jozef Van Loon: De Vita Sancti Landoaldi (anno 980) als onomastische, prosopografische en historische bron.

Communications faites à la section wallonne

Jean Germain : L’origine givetoise du nom de famille (NF) (de) Suraÿ

Le NF (de) Suraÿ était porté en Belgique par 257 individus sous les variantes de Suraÿ/de Suray, Suraÿ/Suray, Surahy et Suraij, avec une nette concentration dans le sud de l’arr. de Dinant, particulièrement à Beauraing et Gedinne. En France, ce même NF Suray/Suraÿ est bien connu aussi dans les Ardennes (321 naissances sur un siècle), particulièrement à Givet. Plusieurs hypothèses ont été avancées dans les dictionnaires de NF pour expliquer ce nom, mais aucune satisfaisante. Toutes les recherches menées sur les différentes branches de la famille amènent en fait à plusieurs constatations: 1° la remarquable stabilité du patronyme, puisque la première mention connue de ce patronyme « de Suraÿ » date de 1474; 2° toutes les branches de la famille ayant laissé une trace dans les archives sont issues du même tronc originel que l’on voit démarrer au moins à partir de 1474 à Givet et Agimont, avant qu’une partie de la famille ne s’installe à Vencimont (Gedinne) vers 1500; 3° le patronyme se conserve dans la région jusqu’à aujourd’hui sous sa forme « Suraÿ », avec prononciation [aï]. Aux Archives départementales des Ardennes, on trouve dans trois registres relatifs à la Prévôté royale d’Agimont (comprenant également les deux Givet) les mentions suivantes enplus de celle de 1474: [15 janvier 1523] « Martin fils de feu Johan de Sur Aÿs », « tous lesdits hoires de feu Jehan de Sur Aÿs »; [19 Septembre 1553] « Jehan de Sur aÿs, Gérard de Suraÿs et Lambert de Sur aÿs» Ce nom est à mettre en rapport avec plusieurs mentions relatives à un lieu-dit de Givet cité dans les Archives de l’Abbaye de Saint-Hubert : [26 avril 1617] « la maison de Jean Vagnien aux Sur Ays », [21 novembre] « la maison qui fut Jean Pirot SurAys »; [mars 1652] « Le preit nommé Sur Ays scitué au rivaige de la Meuse entre les deux bourgs. » Ces mentions du lieu-dit « Sur Aÿs » à Givet invitent à reprendre une discussion entamée, au terme d’une longue énumération de formes et de toponymes, par Jean Lechanteur dans son article Wallon (l)èyis’, ayis’ … ‘tourbillon d’eau’, dans Les dialectes de Wallonie n° 15, 1987, pp. 59-75. Divers dictionnaires dialectaux du wallon namurois en perpétuent l’existence jusqu’au 20e siècle, sous les formes ayis’ ou ayiche. Des termes voisins se sont sans doute confondus, ainsi que l’a pressenti Jean Lechanteur. Le sens précis – du moins à Givet – serait plutôt voie charretière donnant accès à la rive du fleuve, et donc endroit où se trouvait de ce fait un marché.

Jean Loicq : Quatre questions d’hydronymie

Jean Loicq s’est intéressé à quelques hydronymes du Hainaut. 1. Dendre : les formes anciennes, nombreuses si l’on y ajoute les noms des villes riveraines, sont en Ten- qui n’a de répondants qu’en milieu méditerranéen. On obtiendrait un étymon plus familier en partant de *tem-, exprimant « obscurité, couleur sombre » (Demer, Tamise). La dissimilation, qu’on trouve aussi dans lat. tenebrae, remonterait à l’époque romaine car elle affecte les formes romanes et flamandes (Dender). 2. Rieu du Gard, à Basècles : nom interprété par référence à l’afr. gaud « bois » d’un francique wald- ? Le g-, régulier en région picarde, serait à rapprocher du ri des Gaux (Lobbes) ou du Gaud (Clermont-lez-Walcourt) et à interpréter « ruisseau du jardin (seigneurial ?) » (anc. pic. gard, fr. jard). 3. Haine : dérivé en -ina de germ. hag- « clôture, buisson épineux » (nl. hage, haag). On attendrait un nom de ce type pour un plus petit cours d’eau que la Haine, aussi J. Loicq envisage-t-il de mettre l’étymon en rapport avec la Forêt Charbonnière, soit comme « rivière de la Forêt », soit, en partant du sens propre de hag-, comme « rivière de la lisière boisée », ce qui correspondrait à la physionomie de la vallée de la Haine, zone de peuplement intense au IIe âge du Fer et à l’époque franque. 4. Wartoise, affl. de l’Oise entre Chimay et Hirson: l’explication par ward- « poste de garde, fortin » n’étant guère plausible (on attendrait *wardoise), on propose de comprendre Warte « domaine réservé », p. ex. par référence au nom du pays de Chimay resté en Lotharingie : « l’Oise de la Warte », par opposition à l’Oise (supérieure) proprement dite.

Marie-Guy Boutier: Sur un cas de clonage des dérivés toponymiques latins en –acu à base anthroponymique: *Gaudiacu

Est étudiée ici l’étymologie d’un ensemble de noms de lieux attestés en France et en Belgique sous les formes Gouy, Jouy, Joué, Gaujac, etc., en France, Goyet, Gouy, Gooik, Jeuk, en Belgique, de part et d’autre de la frontière des langues, qui remontent indubitablement à un prototype formel *Gaudiacu. Le problème soulevé par l’analyse de ce prototype est le suivant. Alors que la structure formelle de *Gaudiacu semble imposer le rattachement de celui-ci au vaste ensemble des noms de lieux latins dérivés par le suffixe -acu de noms de personnes et dénotant des terres appropriées de façon privée à l’époque romaine (villae), l’anthroponymie latine n’atteste pas de gentilice de forme *Gaudius et aucun nom de personne de base *Gaud- n’est attesté en Gaule avant le Moyen Âge (8e siècle). Au-delà de ce premier constat, la fréquence anormalement élevée de *Gaudiacu parmi les noms de lieu en -acu et la distribution de ce type du nord au sud de la Gaule romaine invitent à remettre plus fondamentalement en cause l’origine déanthroponymique de *Gaudiacu et à considérer comme plus vraisemblable l’hypothèse qu’il s’agit d’un type toponymique à base lexicale. Dans la première partie de la recherche, est établie la liste de 59 continuateurs assurés de *Gaudiacu, précédée d’un bref commentaire à propos des critères ayant servi au classement des formes et suivie d’une carte montrant la répartition des noms (§ 1). Est ensuite révoquée en doute l’explication généralement admise de l’origine déanthroponymique de ce type toponymique (le rattachant à *Gaudius ou à un autre nom) (§ 2), puis proposée une date pour la formation de ce type (§ 3). Une fois établie l’origine délexicale de *Gaudiacu, est posé le problème que soulève son étymon, *Gaudiacu (§ 4), qui est situé dans une structure de désignation (§ 5), dans une structure sémantique (§ 6) et dans une structure morphologique (§ 7). L’intérêt de l’étude approfondie de *Gaudiacu est qu’elle permet de (re)poser de façon générale la question des dérivés toponymiques en -acu à base non anthroponymique, envisagés ici en tant que clones.

Délibération au bureau (commun) et lors de la réunion plénière

Un site internet propre Les deux sections s’accordent sur la nécessité d’une actualisation permanente de leur site internet propre (www.toponymie-dialectologie.be), pour qu’il reflète les activités scientifiques et les activités d’expertise (consultation des pouvoirs publics) de la Commission, ainsi que les activités scientifiques, publications et contacts internationaux de ses membres. Les membres transmettront régulièrement leurs propositions d’actualisation au gestionnaire du site (‘webmaster’).

Un comité extérieur de lecture Le bureau de la Commission de Toponymie & Dialectologie et ses deux sections ont décidé de constituer un comité de lecture commun (nl.: ‘redactieraad’) pour la revue de la Commission (Bulletin / Handelingen). Celui-ci sera composé de membres extérieurs, ‘peer reviewers’, experts dans les différentes disciplines scientifiques rencontrées dans les publications des membres de la Commission. Le comité de lecture et l’équipe rédactionnelle (le bureau de la Commssion) veilleront à la haute qualité scientifique de la revue et garantiront ainsi un classement (‘ranking’) maximal en matière de bibliométrie internationale.

Communications faites à la section flamande

A la section flamande, quatre communications ont été faites.

Composition de la Commission

Dans les séances du 26 janvier 2009 deux changements ont eu lieu dans la composition de la Commission : Bram Vannieuwenhuyze a été élu comme membre par la section flamande, et suite à sa demande Jean-Jacques Gaziaux, membre de la section wallonne, a été admis à l’honorariat. Lors de la réunion du 26 octobre 2009 Esther Baiwir a été élue comme membre de la section wallonne de la CRTD.

Publications

Le Bulletin LXXXI (2009) compte 348 pages. Il a été envoyé aux institutions et revues avec lesquelles nous entretenons des relations d’échange. Les ouvrages parvenus à la Commissi­on, à titre d’achat ou d’échange, sont déposés dans notre bibli­othèque, incorporée dans la bibliothèque du Palais des Académies à Bruxel­les (rue Ducale 1). Soixante exemplaires sont envoyés aux centres scientifiques des univer­sités de Belgique, pour être mis à la disposition des étudiants et chercheurs.

Mission consultative sur le contrôle des noms de rues et la collaboration avec l’IGN

En matière de changement ou d’attribution de noms de rues, la Section wallonne de la Commission a été consultée en 2009 par les 77 communes wallonnes et bruxelloises, dont les noms suivent : Aiseau-Presles, Amay, Anhée, Assesse, Ath, Aubange, Bassenge, Bastogne, Beauraing, Berchem-Sainte-Agathe, Bièvre, Bouillon, Braine-le-Château, Braives, Brugelette, Bruxelles, Burdinne, Celles, Charleroi, Châtelet, Chièvres, Ciney, Comines-Warneton, Dalhem, Daverdisse, Dinant, Dison, Durbuy, Éghezée, Érezée, Erquelinnes, Flémalle, Flobecq, Floreffe, Florennes, Froidchapelle, Gembloux, Genappe, Grâce-Hollogne, Habay, Herstal, Incourt, Jalhay, Jodoigne, La Hulpe, La Roche-en-Ardenne, Léglise, Leuze-en-Hainaut, Libin, Libramont, Liège, Lierneux, Martelange, Messancy, Modave, Mons, Mont-Saint-Guibert, Namur, Nassogne, Neufchâteau, Ottignies-Louvain-la-Neuve, Péruwelz, Philippeville, Plombières, Pont-à-Celles, Rebecq, Rochefort, Soignies, Sombreffe, Stavelot, Tournai, Trooz, Verlaine, Visé, Wanze, Wavre et Wellin. La Commission a poursuivi la révision linguistique des noms géographiques des cartes publiées par l’Institut géographique national. Pour la Section wallonne, l’examen a été réalisé en 2009 par Jean-Luc Fauconnier pour les planchettes numérotées 46/7 et 46/8. Divers autres courriers ont été également adressés aux directions générales des pouvoirs locaux du Ministère de la Région wallonne, à l’Institut géographique national ainsi qu’à des particuliers de Belgique et de l’étranger, qui nous avaient soumis divers dossiers à propos de problèmes de toponymie.

Pour la section flamande et les formes néerlandaises, l’examen a été réalisé par Willy Van Langendonck.

Contacts internationaux

Esther Baiwir a participé le 28 mai 2009 à la Première journée liégeoise de Traitement des Sources galloromanes de l’ Université de Liège. Elle a présenté la communication “Exploitation d’ouvrages lexicographiques informatisés : le cas des arabismes dans le Trésor de la Langue française informatisé”. Le 3 septembre 2009, elle a donné au XIXe colloque de l’ALiR à Baia Mare (Roumanie) une conférence sous le titre “Quelques réflexions sur les dénominations romanes de la framboise” et le 15 septembre au 6th Congress of the International Society of Dialectology and Geolinguistics (Université de Maribor, Slovénie) une communication intitulée “Les désignations des jumeaux dans les dialectes de Wallonie : réorganisation d’un système”. Le 14 novembre, elle a animé une journée d’études à la Station des Hautes Fagnes ayant pour sujet “La dialectologie et la géographie linguistique”.

Marie-Guy Boutier a été membre de deux jurys de thèse portant sur la toponymie à l’Université de la Sorbonne à Paris (les 29 mai et 28 novembre 2009). A l’Académie royale des langues de la Principauté de Monaco, elle a présenté une communication dans le cadre des journées d’études de la Société (9-11 janvier 2009). Elle a donné une conférence traitant de la toponymie à l’UFR de langue française le 21 mai à l’Université de la Sorbonne à Paris et participé à la Première journée liégeoise de Traitement des Sources galloromanes de l’Université de Liège (le 28 mai 2009). Le 14 novembre, elle a animé une journée d’études à la Station des Hautes Fagnes ayant pour sujet “La dialectologie et la géographie linguistique”.

Michel Francard a assisté le 21 mars 2009 au Forum “Innover en français”, organisé par l’ambassade de France en Roumanie, avec la collaboration de la Délégation générale Wallonie-Bruxelles, le Ministère de l’Éducation et l’Association roumaine des professeurs de français (Bucarest). En séance plénière, il a présenté la conférence inaugurale intitulée : “L’enseignement du français langue seconde et étrangère : quels enseignants pour quels enjeux?”

Jean Germain a participé au XXe Congrès National de Généalogie à Marne-la-Vallée (France) du 24 au 26 mai 2009. Il y a présenté une communication sur les noms de famille. Il a assisté au Colloque international sur l’industrie de la Pierre à Ath les 6 et 7 novembre présentant une communication intitulée: “Le vocabulaire régional français de la pierre en Wallonie”. Il poursuit la coordination du projet Patronymica romanica, visant à établir un dictionnaire étymologique et historique des noms de personnes dans les pays de langue romane, impliquant une quinzaine de centres européens d’onomastique. Il a donné huit conférences ou causeries et 2 émissions de radio sur des sujets d’onomastique.

Jean-Marie Pierret a participé en mai 2009 à la réunion du Conseil international de la langue française à Paris.

Bernard Roobaert a présenté une communication concernant la toponymie pour le Cercle Andreas Masius de Ligny le 17 janvier 2009. Le 26 mars 2009, il a donné une conférence en néerlandais concernant la genèse de la frontière linguistique français-néerlandaise à Marcq, lors de la réunion du Orde van den Prince.

Les commentaires sont clos.