Résumé français
Le dialecte bas-francique méridional de Moresnet partage avec ses voisins limbourgeois, ripuariens et même franciques mosellans la surprenante particularité d’un accent tonal à fonction lexicale. Cet accent, appelé « accentuation rhénane » (Rheinische Akzentuierung) comporte une opposition de deux tons phonétiquement différents, voire phonologiquement distinctifs. Le premier de ces deux tons, qui est aussi l’élément marqué de l’opposition, et porte le nom de « Schärfung » ou « stoottoon », nous l’appellerons ici « ton 1 » (dorénavant T1), et le représenterons par « 1 » en exposant. L’autre ton, qui porte le nom de « Trägheitsakzent » ou « sleeptoon », sera appelé ici ton 2 (dorénavant T2) et représenté par « 2 » en exposant.
On connaît les conditions d’émergence de cet accent tonal, plus précisément, on peut reconstituer les conditions dans lesquelles est apparu le ton 1 (le ton 2 apparaissant par défaut). Ainsi, on a pu distinguer deux sortes de ton 1 : l’un, appelé ton 1 spontané, a affecté toute voyelle qui, à l’époque, était longue non-fermée, sans autre contrainte contextuelle ; l’autre, appelé ton 1 conditionnel ou combinatoire, a affecté toutes les autres voyelles – les longues fermées et toutes les brèves – dans la mesure où étaient rencontrées certaines conditions contextuelles, à savoir : présence d’une deuxième syllabe (avec « e » atone) et transition intégralement voisée entre les deux syllabes (consonne(s) voisée(s)). Exemples (en Moresnetois) : a) T1 spontané : * (via) strâta <néerl. straat = rue> → [ʃtrɔ:¹t] ~ b) T2 et T1 combinatoire : *hûs <huis = maison> → [hu²:s] vs *hûz-er <pluriel> → [hu¹:zər].
L’accent tonal a connu ultérieurement des fortunes diverses. Si nous négligeons le francique mosellan, on peut distinguer grosso modo trois zones. Dans l’une, essentiellement ripuarienne, la seule restriction existante porte sur les voyelles brèves, qui ne connaissent l’opposition tonale que devant consonne intervocalique sonorante. Dans une autre zone, essentiellement limbourgeoise, la même restriction prévaut, mais il y a en outre une forte tendance à ne placer (ou à ne conserver) le T1 combinatoire qu’en cas d’effacement de la seconde syllabe : p.ex. dialecte de Genk : *blîven > [blɛi²və] <blijven = rester> vs *blîve > [ex blɛi¹f] <ik blijf = je reste>.
Il y a enfin une troisième zone, le bas-francique méridional, situé, en Belgique, entre la frontière du Limbourg hollandais et la frontière allemande, et dont fait partie le dialecte de Moresnet. Déjà dans les années 30 (Welter, W., 1933, Die niederfränkischen Mundarten im Nordosten der Provinz Lüttich, Den Haag) et les années 70 (Jongen, 1972a et 1972b), cette troisième zone fut décrite comme celle où l’accent tonal a pu se maintenir au mieux, sans restriction majeure. Certains pourtant, au nom d’une conception trop exclusivement théorique, n’ont pas hésité à mettre en doute certains éléments de ces descriptions. Dans leur esprit, il fallait surtout que la troisième zone ne connaisse elle non plus aucune opposition tonale pour les voyelles brèves devant consonne obstruente.
L’article ici résumé s’inscrit dans ce dernier contexte. J’y veux montrer d’abord que le dialecte de Moresnet a conservé l’opposition tonale pour toutes les voyelles et dans tous les contextes, y compris les brèves devant obstruente. J’en fournis de nombreux exemples, y compris des paires minimales, et j’en précise les diverses genèses : voyelles déjà anciennement brèves devant géminées voisées intervocaliques ; voyelles anciennement longues ou devenues longues (par allongement en syllabe ouverte) mais (re)devenues brèves devant accumulation consonantique, etc.
Les dialectes de la troisième zone ont pour caractéristique d’avoir fidèlement conservé jusqu’à aujourd’hui la répartition originelle des deux tons sur le vocabulaire dialectal. Bien entendu, les règles tonales elles-mêmes se sont éteintes, ainsi que d’ailleurs les conditions contextuelles de leur application. Il en résulte que l’opposition tonale est de nos jours pleinement phonologisée et distinctive. Elle contribue pleinement à la définition idiosyncrasique des signifiants lexicaux.
Par ailleurs, on peut, à partir des dialectes contemporains de la zone 3, avancer quelques hypothèses à propos de l’origine de l’accent tonal. On peut d’abord, à l’instar de Goossens, 2009, simplifier la formulation de la double règle originelle du ton 1, en érigeant en facteur contextuel cela même que les conditions d’apparition des deux tons 1, spontané et combinatoire, ont en commun, savoir : une durée relativement longue de voisement. Les voyelles longues non-fermées (ton 1 spontané) sont réputées intrinsèquement plus longues que les longues fermées ; toute autre voyelle n’a accueilli le ton 1 (combinatoire) qu’en cas de voisement prolongé (consonne/s voisée/s intervocalique/s) + voyelle atone).
On peut en outre se demander s’il existe une relation particulière entre ton 1 et contexte voisé prolongé. (La ou les consonne/s postvocaliques voisées impliquent la présence d’une deuxième syllabe avec voyelle atone.) En d’autres mots, il s’agit de consonnes intervocaliques.La réponse est oui, car on peut montrer que le ton 1 a besoin d’une confirmation du changement intonatoire précoce qu’il détermine. J’ai moi-même montré pour le dialecte de Moresnet (Jongen, 1972b) que les deux tons se différencient acoustiquement par la précocité (ton 1) ou non (ton 2) du changement qui, en position proéminente de phrase, affecte le contour intonatoire, changement ascendant ou descendant (selon le schème intonatoire choisi et actualisé par le locuteur). Dans le cas du ton 2, ce changement se produit (très) tard, parfois seulement dans la syllabe (atone) suivante. Dans le cas du ton 1, le changement du contour est sensiblement plus précoce, ce qui ne fait aucunement problème si le niveau d’aboutissement du changement de contour peut se déployer de manière audible. Ceci implique à son tour que la voyelle soit suivie d’une séquence voisée.
Si ces considérations se laissent appliquer aussi à la situation qui prévalait à l’époque où le ton 1 a émergé comme innovation, dans les conditions historiques explicitées ci-dessus – à savoir : lorsqu’il y a voisement prolongé, vocalique et éventuellement postvocalique -, l’on comprendra aussi que cette innovation fut initialement une règle phonétique censée générer un trait concomitant caractéristique de ces contextes voisés. La différence tonale ainsi produite n’a acquis le statut de différence diacritique phonologique que lorsque certains changements ont affecté le contexte postvocalique, par exemple la perte de la deuxième syllabe, due elle-même à un effacement du « e » atone.
En effet, si avec le contexte avait disparu aussi le ton 1 concomitant, un grand nombre de signifiants distincts auraient collidé, faute de trait distinctif. Ainsi, à titre d’exemple paradigmatique, avant les changements contextuels, le signifiant a) /stî²v/ <stijf = raide : forme attributive / forme épithète neutre sg.> se différenciait b) de ses formes épithètes pl. et fém. sg. par l’absence du suffixe flexionnel –e : /stî¹ve/, et c) de sa forme épithète masc.sg. par l’absence du suffixe -en : /stî¹ven/. Jusqu’ici, l’accent tonal est parfaitement concomitant : ton 2, là où la voyelle longue fermée est suivie d’une consonne fricative finale, qui y subit même un dévoisement (exemple a : /stî²v/ > /stî²f/) ; ton 1 combinatoire sur cette même voyelle devant consonne intervocalique voisée (exemples b et c). Qu’en advient-il après les changements contextuels (p.ex. effacement du « e » atone (lorsqu’il n’est pas couvert), effacement de la deuxième syllabe) ? L’accent tonal devient distinctif : a) [ʃti:²f] vs b) *sti:¹və > *sti:¹v > [ʃti:¹f] (avec dévoisement consonantique en finale) vs c) [ʃti:¹və].
Deutsche Zusammenfassung
Die zum südlichen Südniederfränkisch gehörenden Mundarten sind durch eine optimal ausgenutzte und maximal verteilte Rheinische Akzentuierungsopposition gekennzeichnet. Dies wurde bereits im Jahre 1933 von W. Welter festgestellt, und 1972 von mir selbst für die Moresneter Mundart bestätigt. Trotzdem wurden von Schmidt (1986 und 2002) gewisse in diesen Arbeiten mitgeteilten Befunde angezweifelt. So wurde geäußert, die Annahme, Schärfung trete in diesen Mundarten auch bei Kurzvokal vor Obstruent auf, sei falsch.
In der Moresneter Mundart sind geschärfte Kurzvokale, und zwar in den verschiedensten Umgebungen – vor Reibelaut, vor Verschlusslaut, vor Sonorant, im Auslaut – nicht nur ohne weiteres möglich, sondern gang und gäbe, dies nicht etwa im Sinne von dem, was Goossens, 2009, für die Genker Mundart feststellt, in der die Akzentopposition vor Obstruent aufgehoben ist, die kurzvokalische Aussprache jedoch sich «als» geschärft anhört, sondern vielmehr in dem Sinne, dass geschärfter Kurzvokal einem ungeschärften Kurzvokal gegenübersteht und beide also oppositiv-distinktiv fungieren.
In meinem Beitrag wird dieser Zustand ausführlich dargelegt. Überdies wird beschrieben, wie diese geschärften Kurzvokale entstanden sind : etwa Kurzvokal vor historisch intervokalischem stimmhaftem okklusivem Geminat ; Kürzung (etwa vor Konsonantencluster) von historisch geschärftem ursprünglichem oder gedehntem Langvokal.
Synchron sind in heutigen Einsilbern alle Umgebungen oppositionsfähig – nur im Auslaut, oder vor (gedecktem oder einfachem) Sonorant liegen einige Beschränkungen vor, so etwa : nicht-geschärft kurz und nicht-geschärft lang stehen leicht in freier Variation miteinander. Auch die Zweisilber – d.h. erste Silbe mit Vollvokal und zweite Silbe mit ə-Vokal – sind vielfach oppositionsfähig, ungeachtet der beiden (kombinatorischen) Tendenzen, Kurzvokal vor stimmloser Silbengrenze mit Trägheitsakzent zu versehen, und Kurz- oder Langvokal vor stimmhafter Silbengrenze zu schärfen. Einerseits sind, etwa durch Kürzung von früherem Langvokal mit sog. spontaner Schärfung, geschärfte Kurzvokale vor stimmloser Silbengrenze entstanden : z.B. [mo¹tə] <müssen> oder [ʃœÂ¹pkə] <Schäfchen>. Anderseits sind Wortformsequenzen mit ungeschärftem Vokal vor stimmhafter Silbengrenze auf verschiedenem Wege entstanden : durch strukturelle Beregelung (so etwa vermöge einer morphologischen Markierungsregel, gemäß welcher der Bedeutung « Imperativ Singular » die Markierung [+Trägheitsakzent] zuerteilt wird) ; oder durch wortinterne regressiv-vorwegnehmende Stimmassimilation vor –de-Suffix (so etwa im Präteritum der schwachen Verben) ; oder einfach weil Ausnahmen zu der soeben erwähnten Tendenz vorhanden sind, meistens vor Sonorant mit leicht erschwerter ə-Silbe, z.B. [lø²məl] <Lümmel> oder [he²mət] <Heimat>.
Die Akzentverteilung im heutigen Moresneter Lexikon entspricht folgerecht und fast ausnahmslos der ursprünglichen durch die Schärfungsregeln erzeugten Verteilung. Diese Schärfungsregeln sind allgemein bekannt : frühere nicht-maximal geschlossene Langvokale wurden spontan geschärft, frühere geschlossene Langvokale sowie alle Kurzvokale wurden bedingt geschärft, und zwar vor intervokalischem stimmhaftem Konsonanten (vor folgender ə-Silbe). Die Moresneter Mundart kennt also keine Beschränkung, und die frühere durch diese Schärfungsregeln erzeugte Akzentverteilung hat sich bis heute erhalten können – obwohl die früheren Umgebungsfaktoren und also auch die Schärfungsregeln als solche verschwunden sind.
Letzteres bedeutet, dass die Akzente in der heutigen Mundart durch keine Regeln mehr erzeugt werden (können). Es handelt sich mit andern Worten um durchaus idiosynkratische wortformdiakritische Merkmale.
Lässt sich Genaueres aussagen über die ursprünglichen Schärfungsregeln ? Zunächst kann man, wie auch Goossens (2009, 146) es tut, die durch die bedingte Schärfung betroffenen Vokale auf den einen, gemeinsamen, Nenner des « Kürzerseins als die offenen Langvokale » bringen. Man kann aber m.E. noch einen Schritt weiter gehen, indem man eben das allen durch Schärfung getroffenen Vokalen Gemeinsame berücksichtigt, nämlich : eine vom Vokal an berechnete länger anhaltende Stimmhaftigkeit.
Somit erweist sich m.E. als annehmbar die Vorstellung, dass Schärfung dort eingetreten ist, wo länger andauernde Stimmhaftigkeit vorlag, entweder vermöge der dem Vokal innewohnenden Länge (dies trifft für die nichtgeschlossenen, spontan geschärften Langvokale zu), oder vermöge einer andauernden vokalisch-postvokalischen Stimmhaftigkeit (dies trifft zu für geschlossene Langvokale und für Kurzvokale, vor intervokalischem stimmhaftem Konsonanten(cluster)). Letzteres impliziert selbstverständlich – da sonst die Konsonanten nicht stimmhaft geblieben wären (wegen Auslautverschärfung) -, dass eine weitere Silbe (mit ə-Vokal) folgt.
Ferner dürfte diese ursprüngliche Schärfungsregel anfangs eine rein phonetische Regel gewesen sein, durch die innerhalb der Vokalphoneme allophonische Abstufungen entstanden sind, die an satzprominenter Stelle hinreichende Stimmhaftigkeit boten, und somit die Möglichkeit, Intonationsverlaufsbrüche eindeutig zu gestalten. Hierzu noch zwei Bemerkungen.
Die ursprünglichen Akzentallophone sind zu phonologisch-distinktiven Merkmalen geworden, sobald die ursprünglichen Umgebungsfaktoren sich geändert haben oder verschwunden sind (etwa durch ə-Apokope, ə-Synkope und Schwund der ə-Silbe). Somit wird etwa aus einer Flexions- bzw. Derivationsalternanz wie *stî²v > *stî²f (Auslautverschärfung) <steif> vs *stî¹v-e <steife (fem.sg./pl.) + *Steife = Stärke, stijfsel> ein Tonakzentminimalpaar : [ʃti:²f] vs [ʃti:¹f]. Der Akzentunterschied ist somit plötzlich zum alleinigen Träger der Wortformdiakrise geworden.
Ferner sei darauf hingewiesen, dass ein enger Zusammenhang zwischen einerseits Schärfung/Trägheitsakzent und anderseits der Art und Weise, wie sich die FO-Verlaufsänderungen gestalten, auch für die heutige Mundart gezeigt werden kann. Aufschlussreiche Hinweise finden sich in Jongen, 1972b. Bei Schärfung liegen bedeutend frühere Verlaufsänderungen vor. In nichtgeschärften Zweisilbern beginnt das Steigen bzw. Fallen der F0 häufig erst in der Folgesilbe. In geschärften Zweisilbern mit Kurzvokal beginnt der Intonationsbruch bereits im Vokal, und wird durch das Hoch- bzw. Tiefliegen der Stimme in dem Übergangskonsonanten und in der Folgesilbe bestätigt. In kurzvokalischen Einsilbern dagegen muss dieser Unterschied sich auf kürzestem Raum gestalten : bei geschärftem Kurzvokal steigt oder fällt die F0 früh und abrupt, bei nichtgeschärftem Kurzvokal tritt der Bruch allmählich oder verhältnismäßig später ein, und der Vokal ist etwas länger, ohne jedoch als lang gedeutet werden zu können.
Schließlich wäre noch zu zeigen, wie sich erklären lässt, dass die in der Moresneter Mundart nach dem hochdeutschen Spaltungsprinzip aus Germ. ai, au und äu entstandenen doppelten Entsprechungen einerseits bedingt geschärft wurden (/ei/, /ou/ und /öu/), anderseits spontan geschärft wurden (/e:/, /o:/ und /ö:/). Es stellt sich hier die Frage, ob sich für die Moresneter Mundart ein Zwischenstadium rekonstruieren lässt, in dem die erste Reihe als geschlossen (demnach bedingt geschärft), die zweite Reihe aber als nicht-geschlossen (demnach spontan geschärft) gedeutet werden kann. Die ursprüngliche Aufspaltung, deren Umgebungsfaktoren bekannt sind, verläuft in beiden Reihen gemäß einem Prinzip interner Assimilation : entweder ist die erste Diphthongkomponente i- bzw. u-ähnlicher geworden (ai>ei, au>ou), oder die zweite Komponente a-ähnlicher (ai>ae, au>ao). In diesem Zwischenstadium – und insofern die zweite Diphthongkomponente als entscheidend zu deuten ist – war die erste Reihe geschlossen (und wurde bedingt geschärft), die zweite Reihe offen (und wurde spontan geschärft). In der weiteren Entwicklung zur heutigen Mundart hin sind beide Reihen monophthongiert, jedoch ohne je zu kollidieren, weder untereinander noch mit germ. ê, ô und Umlaut. Die erste, bedingt geschärfte, Reihe ist auch heute noch monophthongisch : z.B. [de:²l] <Teil> vs [de:¹lə] <teilen>, eventuell mit Vokalkürzung : [de¹ldər] <Teile> ; [do:²f] <taub> vs [do:¹f] <taube, pl./fem.sg.> ; [ə do¹ft] <ein Taubes>. Die zweite, spontan geschärfte, Reihe hat sich inzwischen zu zentrierenden Diphthongen entwickelt, wobei jedoch die alternierenden Kurzvokalvarianten noch stets auf der /e/-, /o/- oder /ö/-Stufe stehen : [tiə¹n] <zehn> , [te¹ndə] <zehnter> ; [ʃtuə¹tə] <stoßen>, [ʃtuə¹t] <Stoß>, [dər ʃto¹t] <ihr stoßt>, [ʃtyə¹t] <Stöße>, [ə ʃtø¹t] <er stößt>.