Madame la Secrétaire d’État,
La Commission Royale de Toponymie et Dialectologie accomplit sa mission scientifique sous le haut patronage de l’Académie Royale des Sciences, des Lettres et des Beaux-Arts de Belgique et de la Koninklijke Vlaamse Academie van België voor Wetenschappen en Kunsten.
La Commission a comme objectif scientifique l’étude de l’onomastique (toponymie et anthroponymie) et de la dialectologie, particulièrement en Belgique, tant dans le domaine roman que germanique, et la publication de travaux (Bulletins, Mémoires, Tirés à part) relatifs à ces disciplines. La Commission entretient des contacts scientifiques avec les institutions apparentées, intérieures comme extérieures.
Enfin, et ce n’est pas le moins important : la Commission assume une mission consultative : les pouvoirs publics peuvent toujours faire appel à ses avis scientifiques et ne manquent pas de le faire.
Réunions statutaires
Les réunions statutaires ont eu lieu les 27 janvier, 26 mai, 27 octobre 2014 dans les locaux du Palais des Académies à Bruxelles (rue Ducale 1). Il y a eu six réunions de section (dans chacune des deux sections) les 27 janvier , 26 mai et 27 octobre 2014. La séance plénière s’est déroulée le 27 janvier et deux réunions (communes) du bureau ont eu lieu les 26 mai et 27 octobre 2014.
Communications faites à la séance plénière
Bernard ROOBAERT, Les archives de la famille d’Arenberg. Source majeure pour la toponymie et l’anthroponymie en Belgique.
Les archives de la famille d’Arenberg, l’une des premières de nos anciennes provinces, constituent un ensemble majeur de plus de 2,5 kilomètres de rayonnage. Réparties principalement sur deux dépôts, les Archives Générales du Royaume à Bruxelles et les Archives d’Arenberg dans l’ancien Couvent des Capucins d’Enghien, ces archives documentent l’histoire d’un grand nombre de localités belges, avec des centres majeurs (Bruxelles, Baillage d’Enghien, Chimay, Louvain) et des sources détaillées qui remontent souvent jusqu’au XIVe siècle. Outre les documents « classiques » (censiers, registres de fiefs, d’alleux, actes scabinaux, baux, procès…), ces archives offrent une documentation étendue dont les sujets (correspondance privée, nominations, testaments, …) et l’étendue (« documents sans rapport apparent avec le fonds ») méritent un examen approfondi de tout chercheur, qu’il soit toponymiste, anthroponymiste ou dialectologue.
Paul KEMPENEERS, Wegbenamingen in het Hageland
Communications faites à la section wallonne
Jean GERMAIN, Le Risquons-Tout à Mouscron et autres Risque(-à)-Tout
Risquons-Tout est le nom d’un quartier de Mouscron situé près de la frontière avec la France, où se situait un poste de douane. Ce nom est daté du 5 mars 1743 : « toute une maison manable à usance de cabaret appellé le risqu’on tout (…) tellement que le malis excède le bonnis de la somme de 1189-9-9 » (A. Dendeau, Top. de Mouscron, p. 149-150). Le nom du cabaret s’appliqua rapidement au lieu-dit environnant, comme en atteste une mention de 1762 « le chemin menant de Castert au risquons-tout », avant de devenir tout un quartier à cheval sur Mouscron et Rekkem, avec église paroissiale et poste de douane sur la route Courtrai-Lille.
La tradition indique que ce cabaret a été construit par un certain Pierre-François Demasure qui ne disposait pas des moyens nécessaires. D’où l’explication courante selon laquelle l’auberge doit son nom à son insolvabilité. Toutefois, avec A. Dendeau, il convient de faire le rapprochement avec d’autres enseignes de cabarets de frontières, comme au Risque-Tout à Chimay, où il y a manifestement allusion à la contrebande.
Pour la Wallonie, on dispose d’un petit corpus de noms ou de toponymes similaires, tous à proximité des frontières : 2 Risquons-Tout à Hérinnes (Pecq) et à Dion (Beauraing) ; 3 Risque-Tout à Chimay, à Forge-Philippe (Momignies) et à Oignies-en-Thiérache (Viroinval) ; enfin un double Risque-à-Tout, commun à Bernissart et à Blaton, ainsi qu’entre Basècles et Quevaucamps (communication de Fl. Mariage).
La présence constante de ces noms de lieu et de ces cabarets à proximité directe de frontières ne semble pas laisser de doute quant à l’origine du nom. À travers ces enseignes de cabarets ou de maisons forestières, s’exprimait une sorte de défi aux autorités douanières de différentes époques. Ce sont bien les auberges qui ont communiqué le nom de leur enseigne à des quartiers ou à des endroits.
Ces composés phrastiques se sont en outre lexicalisés en français ou dans les différents parlers régionaux. Le TLF a un article autonome risque-tout, subst. inv., A. [à propos d’une personne] ‘personne téméraire, poussant l’audace jusqu’à l’imprudence’. – B. [à propos d’une entité] ‘enjeu, partie suprême où l’on risque le tout pour le tout’. Le mot est attesté dans le dictionnaire de l’Académie de 1935; il est par contre daté de 1863. Le FEW 10, 292b (v° resecare) est nécessairement plus riche : fr. mod. risque-tout ‘homme téméraire et casse-cou’ (dp. 1870); fr. mod. risquons-tout (1877); Alençon (Orne) risque-à-tout ‘vaurien, celui ou celle qui ne craint rien’ ; bessin (Calvados) ‘imprudent, écervelé’ ; berrichon ‘qui ne craint rien’ ; rouchi (Valenciennes) risque à tout ‘risquons le paquet, quoiqu’il en puisse arriver’ (d’après Hécart, 3e éd., 1834, p. 410b).
A l’origine, ces noms de cabarets ou d’auberges, servant de point de ralliement et de départ pour la contrebande, se réfèrent sans doute à l’une des deux définitions du TLF pour risque-tout, soit au sens s’appliquant aux personnes soit à celui s’appliquant à une entité.
La recherche devrait être poursuivie en France.
Jean LOICQ, Les hydronymes du type Huy l’eau. Sur un syntagme de l’ancien wallon
La syntaxe des groupes nominaux est rendue difficile à codifier et à décrire, entre autres parce qu’elle laisse aux usagers une certaine liberté que n’a pas la syntaxe du verbe. Sur la base de quelques exemples ayant pour la plupart valeur d’hydronymes, notés en préparant les Noms de rivières, Jean Loicq tâche de démontrer comment, sous leur apparente variété, ces groupes nominaux en fonction de toponymes ont en commun de présenter, selon l’usage de l’ancien français conservé longtemps par le wallon, une séquence où entre le déterminant (nom propre et parfois adjectif) placé en tête et le déterminé (appellatif) s’intercale un article défini qui spécifie en quelque sorte le déterminant. Cet article semble du reste avoir été facultatif et, sauf exception, il disparaît au cours des siècles en même temps que le nom commun qu’il accompagne.
Jean-Marie CAUCHIES, Le Lothier, d’un royaume avorté à un simple nom de rue: grandeur et décadence
En s’appuyant sur divers documents historiques de première main, Jean-Marie Cauchies retrace l’histoire de la dignité ducale de Lothier, depuis sa première mention à l’époque des Carolingiens lors du partage de l’empire de Charlemagne jusqu’aux références gardées de façon anachronique dans la titulature des XVII Provinces. Le terme lui-même est issu de la scission, entre 959 et 1048, de la Lotharingia, entre le duché du nord (le Lothier) et celui du sud (la Lorraine). Aujourd’hui, il ne subsiste plus de ce terme prestigieux qu’une simple rue du Genappe, là où se trouvait le château de Lothier, celui où serait né Godefroid de Bouillon.
Communications faites à la section flamande
À la section flamande, quatre communications ont été présentées.
Luc DE GRAUWE: “Noemen voor ‘noemen’ én ‘heten’. Een polycausaal verhaal over opkomst en verspreiding van niet algemeen Belgisch-Nederlands woordgebruik
Frans DEBRABANDERE, Twee eeuwen Kortrijks dialectverlies
José CAJOT, Blancquaert en Stevens: fonetiek versus fonologie in de Limburgse Dialectatlas (RND VIII)
Un site internet propre
Les membres s’accordent sur la nécessité d’une actualisation permanente de leur site internet propre (www.toponymie-dialectologie.be), pour qu’il reflète les activités scientifiques et les activités d’expertise (consultation des pouvoirs publics) de la Commission, ainsi que les activités scientifiques, publications et contacts internationaux de ses membres. Les membres transmettent régulièrement leurs propositions d’actualisation au gestionnaire du site (‘webmaster’). Le site web permet en outre de compléter les publications de la Commission en offrant plusieurs liens vers les résumés en d’autres langues et vers des cartes toponymiques ou dialectologiques difficiles à publier.
Un comité de lecture
Les membres des deux sections de la Commission de Toponymie & Dialectologie ont constitué un comité de lecture commun (nl.: ‘redactieraad’) pour la revue de la Commission (Bulletin / Handelingen). Ce comité scientifique externe est composé des onze membres étrangers dont voici les noms : Eva BUCHI, Jean-Pierre CHAMBON, Georg CORNELISSEN, A.C.M.GOEMAN, Ludger KREMER, Wulf MÜLLER, Bertie NEETHLING, Hermann NIEBAUM, Damaris NÜBLING, Jean-Louis VAXELAIRE et Stefan ZIMMER. Ces ‘peer reviewers’, experts dans les différentes disciplines scientifiques des publications de la Commission, veillent, de concert avec l’équipe rédactionnelle (les membres de la Commission), à l’excellence scientifique de la revue et garantissent ainsi un classement (‘ranking’) élevé en matière de bibliométrie internationale.
Composition de la Commission
Suite à la démission de Ronny Keulen le 27 janvier 2014, la section flamande à élu le 26 mai 2014 Jan SEGERS comme nouveau membre.
Les élections biennales à la Commission ont eu lieu lors des réunions des sections et de la séance plénière du 27 janvier 2014. Le bureau de la Commission est composé de la façon suivante pour les années 2014 & 2015 :
Section wallonne
Président : Étienne RENARD
Secrétaire : Jean GERMAIN
Section flamande
Président : Jozef VAN LOON
Secrétaire : Victor MENNEN
Le bureau de la Commission Royale de Toponymie et de Dialectologie – Koninklijke Commissie voor Toponymie en Dialectologie
Président général : Jean-Marie CAUCHIES
Vice-président général : Jozef VAN LOON
Secrétaire général : José CAJOT
Membres : Jean GERMAIN et Victor MENNEN
Publications
Bulletin/Handelingen
Le Bulletin LXXXVI (2014) compte 240 pages. Il a été envoyé aux institutions et revues avec lesquelles nous entretenons des relations d’échange. Les ouvrages parvenus à la Commission, à titre d’achat ou d’échange, sont incorporés dans la bibliothèque du Palais des Académies à Bruxelles (rue Ducale 1). Trente exemplaires sont envoyés aux centres scientifiques des univer-sités de Belgique, pour être mis à la disposition des étudiants et chercheurs.
Sommaire
Jean GERMAIN, In memoriam Jacques-Henri Michel (1927-2013)
José CAJOT, Blancquaert en Stevens: fonetiek versus fonologie in de Limburgse Dialectatlas
Luc DE GRAUWE, Noemen voor ‘noemen’ en ‘heten’: een polycausaal verhaal een “niet algemeen Belgisch-Nederlands” woordgebruik
Jean GERMAIN, Le Risquons-Tout à Mouscron et autres Risque-(à-)Tout
Jan GOOSSENS, Het vroegere Zuid-Brabantse ontrondingsgebied
Karel LEENDERS, Akkers en bochten in Bergeijk en Eersel
Bernard ROOBAERT, Les archives de la famille d’Arenberg : source majeure pour la toponymie et l’anthroponymie en Belgique
Luc VAN DURME, Wetstu war Crikenputte steet? Over Kriekenputte ‘exploitatie van grauwveen’ en andere namen in en om het land van Reinaert
Mémoire 26 de la Section wallonne
Le volume 26 des Mémoires de la Section wallonne de la Commission de Toponymie & Dialectologie a été transféré/transmis au relieur et sera disponible à partir de février 2015. Cette étude de Jean LOICQ, membre de la Section wallonne de la CRTD et professeur ordinaire émérite de l’Université de Liège, est intitulée : Les noms de rivières de Wallonie, y compris les régions germanophones. Le Mémoire compte au total 457 pages et sera publié dans un format élargi (170 x 250 mm).
Ce dictionnaire des noms de cours d’eau de Wallonie couvre l’ensemble de la Région wallonne telle qu’elle est définie dans la Belgique fédérale d’aujourd’hui, en ce compris donc les territoires germanophones (actuels ou qui l’ont été), de Gemmenich en passant par Eupen et Saint-Vith à Athus.
Conçu dans une perspective principalement onomastique, le répertoire met en évidence l’archaïsme de cet aspect de notre patrimoine linguistique et fera connaître aussi nombre d’hydronymes secondaires à demi oubliés, et souvent perdus dans des monographies locales. Ce travail restitue leur mémoire, les introduit dans la recherche internationale et contribue à la sauvegarde d’une part méconnue du patrimoine wallon, qui n’a jamais été recueilli et analysé à pareille échelle.
Notice bibliographique : Jean LOICQ, Les noms de rivières de Wallonie y compris les régions germanophones. Dictionnaire analytique et historique. Mémoire 26 de la Commission Royale de Toponymie & de Dialectologie, Section Wallonne. Éditions Peeters, Louvain-Paris. LII + 405 pages. À paraître février 2015. ISSN 0774-8396. ISBN 978-90-429-3051-3
Mission consultative sur le contrôle des noms de rues et la collaboration avec l’IGN
En matière de changement ou d’attribution de noms de rues, la Section wallonne de la Commission a été consultée en 2014 par les 80 communes wallonnes et bruxelloises, dont les noms suivent :
Andenne, Anhée, Antoing, Assesse, Ath, Awans, Aywaille, Bastogne, Beauraing, Berloz, Bertogne, Binche, Blegny, Braine-le-Château, Bruxelles, Burdinne, Charleroi, Chaudfontaine, Ciney, Clavier, Écaussinnes, Éghezée, Estinne, Faimes, Flobecq, Floreffe, Florennes, Fontaine-l’Évêque, Gembloux, Habay, Hannut, Hélécine, Hensies, Herbeumont, Herstal, Houffalize, Jodoigne, Juprelle, Le Rœulx, Lessines, Leuze-en-Hainaut, Libin, Liège, Manage, Molenbeek-Saint-Jean, Mons, Mont-Saint-Guibert, Musson, Namur, Nassogne, Neufchâteau, Nismes, Nivelles, Ohey, Ottignies-Louvain-la-Neuve, Perwez, Quaregnon, Ramillies, Rebecq, Saint-Hubert, Sainte-Ode, Sambreville, Seraing, Sivry-Rance, Soignies, Soumagne, Stavelot, Taintignies, Thuin, Tournai, Tubize, Vaux-sur-Sûre, Villers-le-Bouillet, Virton, Visé, Waimes, Walhain, Wavre, Wellin, Yvoir.
En outre, divers dossiers ont été soumis par des administrations et des particuliers à propos de questions de toponymie et de problèmes relatifs aux graphies employées par le cadastre.
Contacts internationaux des membres et autres rencontres scientifiques
Esther BAIWIR a répondu à une invitation du Cercle linguistique de Prague en y donnant une conférence; elle a par ailleurs parlé à des colloques en France (139e congrès du CTHS à Nîmes), en Espagne (Seminario Internacional sobre Lengua y Literatura de la Facultad de Letras, Universidad del País Vasco) et en Italie (colloque EURALEX, à Bolzano).
À l’Université de Liège, elle a co-organisé avec Pascale Renders la 6e journée liégeoise de Traitement des Sources galloromanes (TraSoGal), dont le thème fut Ce que les maîtres nous ont transmis. Lors de cette journée, qui s’est tenue le 23 mai, E. Baiwir a également présenté une conférence.
En 2014, au sein du Bureau de 3 membres, Jean GERMAIN a continué à exercer son rôle d’éditeur scientifique du Dictionnaire historique de l’anthroponymie romane. Le projet PatRom réunit toujours de façon informelle des spécialistes des domaines portugais, espagnol, catalan, français, belge, suisse, italien et roumain. En 2014, a été bouclé le volume III.1. du dictionnaire, consacré aux étymons latins représentant des noms d’animaux, le 4e de la série à paraître prochainement aux éditions De Gruyter à Berlin.
Comme chaque année, Jean GERMAIN a été sollicité par des collègues étrangers sur divers problèmes d’onomastique wallonne ou d’histoire de la langue française en Wallonie.
À l’occasion des XVIIIes Journées Lotharingiennes, qui se tenaient à l’Université du Luxembourg les 30 et 31 octobre 2014 et avaient pour thème La forêt en Lotharingie médiévale », Étienne RENARD a donné deux communications. La première, intitulée La situation et l’étendue de la Forêt Charbonnière au 1er millénaire : bref bilan historiographique faisait le point, cartes à l’appui, sur les hypothèses qui se sont succédées depuis le milieu du XIXe siècle à propos de ce massif forestier de moyenne Belgique dénommé Carbonaria. La seconde portait sur le statut des sylves, les droits d’usage et les taxes associées aux bois au haut Moyen Âge. Cette communication impliquait une élucidation des termes qualifiant les différentes catégories de sylves, les droits d’usage et les taxes pour la période envisagée. Dans la foulée, à la demande du professeur Josiane Barbier (Paris X), il a aussi contribué, avec d’autres membres de la Commission, à l’élucidation de toponymes mentionnés dans un document du IXe siècle, le Capitulaire de Quierzy (877).
Veuillez agréer, Madame la Secrétaire d’État, l’expression de nos sentiments les plus distingués.
Bruxelles, fin décembre 2014
José CAJOT Le secrétaire général
Jean-Marie CAUCHIESLe président général